Avec Barbara Kruger
Le projet d'un « Parc pour le Nouveau Monde » pour le Musée des Beaux-Arts de Raleigh, en Caroline du Nord (1988-1996), interroge les frontières disciplinaires de l’architecture en affirmant une osmose entre la démarche de l'architecte et celle de l'artiste. Henry Smith-Miller et Laurie Hawkinson travaillèrent en effet dès les phases préparatoires du projet avec l'artiste Barbara Kruger (1945). S'appropriant des photographies extraites de la culture populaire et des images de publicité, l’artiste américaine y superpose des parodies de slogans publicitaires ou politiques à travers une typographie toujours identique. A chaque fois, l'attrait du message publicitaire est retourné en injonction, voire en menace. À rebours des contraintes établies par le programme, l’équipe commença par définir la « théorie », tout en générant l'espace architectural à partir de recherches de mots. À l'intérieur de l'espace défini par un amphithéâtre et un cinéma en plein air (le reste du programme comprenait des aires de parking paysagées, un parc de sculptures, des ateliers d'artistes, des aires de pique-nique et un jardin de lecture), Barbara Kruger déploie de courtes phrases, émergeant du sol et dont les lettres s'articulent comme les pierres d'un édifice : TO BE RATHER THAN TO SEEM, (« être plutôt que paraître ») ou PICTURE THIS (« décris cela »). Chacune des lettres est réalisée dans un matériau différent, et supporte d'autres phrases et citations. Cette litanie d'injonctions qui interpelle directement le visiteur se combine à des extraits de textes littéraires inscrits sur d'autres lettres. En déstabilisant par son contexte et son contenu décalés le fonctionnement binaire des messages publicitaires, Kruger met à jour leur processus d'incorporation et d'exclusion sociale et politique. Elle dénonce et déjoue les mécanismes d'identification (qui entraînent la passivité et la soumission) générés par les messages des médias.