Misunderstandings/traductions

18/01/2017
23/04/2017

La collection comme espace des traductions

Faire collection consiste en une pratique permanente de traduction des absences. Il y a d’abord les absences intrinsèques à l’acte même de collecter. Faire collection est une affaire de tri, de choix et en cela elle est un acte d’extériorisation. Une déterritorialisation sans fin. Puis, une collection est aussi fragments. Nous gardons des moments de l’histoire des « bouts » de choses. La collection cache plus qu’elle ne montre. Les réserves abritent ce qui ne résiste pas sur la cimaise. Sur cette dernière, restent accrochées les œuvres qui s’imposent comme les témoins oculaires d’une période, d’un mouvement ou d’une attitude.
La collection du Frac Centre Val de Loire forme ainsi, comme toute collection, un paysage des absences, des regrets, même si elle a pour intention d’être le paysage des conquêtes et des découvertes. Elle a été depuis ses débuts une archive d’évènements. Car en quoi consiste la collection de l’architecture si ce n’est la constitution du fonds nécessaire à la compréhension de « l’intuition de l’instant » que représente le dessin ou la maquette d’architecture. Des intuitions qui, au fil de la conception, forment l’œuvre originale servant à la reproduction de la copie : le bâtiment à l’échelle du réel – pour les architectes radicaux à l’échelle de l’utopie.

Il est donc nécessaire de construire une relation d’exploration, comme on parle de l’exploration des terres nouvelles. Aller à la conquête d’une collection, en faire en permanence une cartographie renouvelée afin d’en déterminer, non plus les contenus, mais les plis cachés, les recoins invisibles, les paysages au-delà du paysage. Seule la naïveté de la méconnaissance, ou le courage de l’ignorance permet d’aller à la face caché du monde. Misunderstandings, projet mené avec l’espace CAMPO de Rome, en est un des chemins.

Misunderstandings, incompréhensions, est un procédé pour définir des zones de non connaissance de la collection du Frac Centre-Val de Loire et ainsi procéder à sa redéfinition, sa relecture, sa réécriture. Projet de recherche et d’exposition, Misunderstandings s’est décliné en trois étapes : une exposition à l’espace CAMPO de Rome, une au Frac Centre-Val de Loire et un symposium.

Le projet mené par CAMPO introduit la curiosité de l’architecte comme moteur de recherche. Quatre couples dialectiques constituent une trame de relecture : Peur/Structure, Espoir/Système, Nostalgie/Forme et Surprise/Limite. Le vocabulaire de l’architecture est, par cette construction, comme transporté ailleurs, comme altéré par les émotions humaines. Le monde bâtit des hommes devient aussi le monde de leur émotions pour réfléchir à la condition contemporaine.

CAMPO a sélectionné dans la collection douze fragments de projets architecturaux – trois pour chaque duo thématique. Pour chaque fragment de projet, deux images anonymes (dessins, photo, images de maquettes) sans aucune information ni signature, sont soumises à la curiosité de 12 architectes invités. Chaque architecte est invité à réagir par la conception d’un ouvrage.

Libérées de leur contexte matériel et soustraites à la précision historique, les images, fragments d’œuvres, acquièrent un souffle nouveau et deviennent des instruments de projection entre les mains des architectes. La juxtaposition et le déplacement de projets de la collection dans un cadre nouveau brouille leur signification conceptuelle et historique, donnant ainsi lieu à des malentendus, autant d’erreurs temporaires et d’inexactitudes intentionnelles fondées sur la puissance visuelle des œuvres qui ouvrent à des narrations inattendues.

Misunderstandings porte également une réflexion sur le besoin fondamental de penser l’architecture comme une forme de réaction aux émotions, comme un processus primordial et collectif. D’une part, les émotions constituent notre faculté à nous identifier les uns aux autres et, d’autre part, notre capacité à donner forme à notre environnement. Il s’agit de l’outil physique et mental indispensable à notre vie en commun. Si les émotions se trouvent aujourd’hui au cœur des activités humaines – où sentiments et relations constituent la force productive par excellence –, l’architecture, donnant forme à la matérialité de l’espace et à son pouvoir de représentation, peut interférer avec la nature intangible des émotions. Elle peut, de ce fait, accélérer, retarder ou altérer les processus de transformation politique et sociale en cours.

Abdelkader Damani, Directeur du Frac Centre-Val de Loire et commissaire

www.campo.space

Symposium

03/03/2017

En collaboration avec CAMPO space Rome (bombaci_costanzo_galofaro_sacconi)

en savoir plus

Artistes et architectes de la collection du Frac Centre-Val de Loire

Andrea Branzi
Bernard Calet
Günther Domenig et Eilfried Huth
David Georges Emmerich
Hiromi Fujii
Ludger Gerdes
Günter Günschel
Bernhard Hafner
Toyo Ito
Mathieu Mercier
Walter Pichler
Guy Rottier

Artistes et architectes invités

BlackSquare
Building Building
Matilde Cassani
Lukas Feireiss
Saba Innab
LIST
Manthey Kula Arkitekter
OBRA
OMMX
Piovene Fabi
UHO
Vazio S/A