Bernard Calet

Pavillon témoin, 1990

Cette œuvre est composée d’une photographie sur verre présentant un modèle de construction « pavillonnaire », supportée par une découpe en acier qui reprend la forme du parcellaire. Bernard Calet ne se réfère plus ici à un imaginaire mais à un comportement social : le pavillon témoin, rêve de bonheur « normalisé », partagé par des milliers de citoyens, qui n’est plus ici qu’une image, un reflet de la maison désirée. Avec l’usinage des matériaux, leur rigueur et leur froideur, l’œuvre dénonce une sorte de degré zéro de l’architecture. Un degré zéro caractérisé par le fait que la construction maintenue à l’état de logement-type n’est pas encore devenue habitation. L’accès à la propriété, qui suppose une mise personnelle de fonds, est soumis ici à l’anonymat de la proposition architecturale, à son esthétique reproductible et applicable sur n’importe quel territoire. La notion d’intimité est dépassée, comme recouverte par ce qui est banal et général : elle vient se dissoudre dans la reproduction évidente à des milliers d’exemplaires de ce type de construction standard. Comme l'exprime l'artiste : « Je me suis tout d’abord intéressé aux pavillons-témoins parce que ces architectures, sortes de petites maisons, sont en représentation. Ces objets tridimensionnels font "image". Ils ne servent pas à abriter mais à montrer comme le numéro zéro avant une série ou un tirage de multiple. Je n’ai photographié que les pavillons témoins situés aux bords des nationales, dans les zones d’activité commerciale, dans ces espaces de croissance urbaine entre ville et campagne, et ceux exposés dans les villages regroupant ce type de constructions. J’amenais dans les lieux d’exposition des objets d’exposition… Pour les personnes dont l’accession à la propriété d’un lopin de terre et d’une habitation individuelle est un signe de réussite sociale, ces pavillons sont des objets de rêves. Ces architectures, leurs lieux d’implantation, sont le témoignage d’une réalité économique et sociale, celle d’une production stéréotypée de l’habitat et de sa standardisation pour un moindre coût. (…) Ces modèles s’adaptent au terrain, se régionalisent, et comme toute marchandise évoluent dans le temps, se renouvèlent » (2000).

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