Dora Garcia

Film (Hotel Wolfers), 2007

Tourné en 35 mm, en noir et blanc, dans l'hôtel Wolfers construit en 1929 à Bruxelles par l’architecte Art Nouveau Henry Van De Velde, Film (Hôtel Wolfers) est une promenade muette au travers des pièces de la demeure. Les images de la vidéo s'attachent aux détails attestant du dépérissement du lieu. L’artiste reprend certaines conventions de la caméra subjective qui, selon un regard furtif et distrait, rase les murs dégradés. La peinture s’écaille, tout tombe en ruine, mais, au détour d’un couloir, surgit une œuvre d’art. À ces images s'ajoute une voix-off qui commente minutieusement, non pas l'architecture de Van de Velde, mais le principe même de la caméra subjective, utilisée selon trois occurrences au cinéma : dans Film (1965) de Samuel Beckett, The Message (1976) de Moustapha Akkad et dans Halloween (1978) de John Carpenter. Une caméra à laquelle chaque réalisateur a assigné un rôle distinct, comme incarné par un personnage. Dans Film de Beckett, un homme est visiblement tourmenté par une présence inquiétante, celle de la caméra qui le poursuit. Comme le note la voix-off écrite par Dora Garcia, le film de Beckett, lui aussi en noir et blanc, aurait pu avoir été tourné en 1929 (date de la construction de l’hôtel Wolfers). Dora Garcia lie ainsi les deux projets par un effet de dilatation temporelle. L'individualisation du son et de l'image dans sa vidéo déréalise les prises de vues autant que la voix-off, et confie en dernière instance au spectateur le soin de réinventer le récit. L’édifice, menacé de destruction avant d'être racheté par le collectionneur Herman Daled, fait figure de maison hantée moderniste, et devient dans l'œuvre de Garcia le cadre d’un parallèle entre la technique des films d'épouvante et les commentaires sur son utilisation. 

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