Miguel Palma

Ecosystema, 1995

Ecosystema (« écosystème ») véhicule une critique sur la croissance planétaire, les excès de l'industrialisation et la pollution qui entraînent le dépérissement de notre société. A l'intérieur d'une housse en plastique transparente, servant à protéger les voitures de luxe, se répartissent deux étages grillagés. Sur l'étage supérieur, sont distribuées des maquettes d'usine, à l'échelle 1:100, tandis que l'étage inférieur comporte des maquettes de maisons qui reconstituent la trame d'un espace urbain. Régulièrement, environ toutes les quarante-cinq secondes, retentit une énorme soufflerie, en même temps que s'illumine l'intérieur d'Ecosystema. Un énorme tube métallique se met alors à cracher pendant une quinzaine de secondes une sciure de bois sur les bâtiments qui vient progressivement recouvrir les maquettes, avant de s'échapper à travers le grillage inférieur, où elle sera réutilisée pour être soufflée à nouveau sur les étages des constructions. A travers cette œuvre se confondent les notions de cycle et de recyclage : un cycle s'est mis en place, fait de déflagrations sonores et lumineuses, qui sont à chaque fois comme une déchirure dans l'espace et le temps. Ce cycle est celui de l'éternel retour, se donnant dans une circularité sans fin. Miguel Palma applique ici la métaphore de l' « écosystème », qui désigne un équilibre naturel et le confronte à l'univers industrialisé sensé préserver lui aussi son équilibre, tel un organisme vivant soumis à un rythme de croissance et de mort. Il suggère la disparition à laquelle nous serons voués lorsque notre monde industrialisé ne parviendra plus à recycler les matériaux nocifs qu'il aura produits. Cependant, sous cette critique d'ordre écologique, se cache une « machine célibataire » fonctionnant en circuit fermé. En effet, le tuyau qui crache la poussière de bois à l'intérieur de la housse transparente participe d'un mécanisme qui ne renvoie qu'à lui-même, à l'intérieur d'un monde clos, hermétique. Par son échelle anthropomorphe, Ecosystema suscite l'identification du spectateur. Cependant, lorsque celui-ci regarde au travers de la housse automobile, comme à travers une fenêtre, il découvre un monde lilliputien qu'il surplombe physiquement, qui lui est tout à la fois étranger et familier puisque son cycle organique le ramène à son propre monde. Mais cet univers est dépouillé de toute trace d'habiter, abandonné. Cette mécanique autiste ne produit rien, s'avère stérile ; aucune vie ne peut s'y développer. Le seul habitant est le spectateur impuissant, maintenu à l'extérieur de ce monde.

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