Liliana Moro

Le Città, 1994

Le Città est un ensemble de petites maquettes de maisons en carton, jouets pour enfants à travers lesquels ils construisent un monde habitable. Dans cette œuvre, la maison n'est plus cet espace a priori privé. Les maisons sont reliées les unes aux autres par des guirlandes électriques qui les illuminent par intermittence de l'intérieur, les connectant dans un flux de lumière tout à la fois continu et différé. Le réseau électrique rompt ainsi l'isolement des maisons pour les ramifier en espace « urbain », pour en faire des « villes ». Cette installation au sol que nous surplombons questionne la notion d'un univers en réduction – la  miniature comme projection de notre vision du monde – et interroge la signification de l'espace urbain, soumis à la pulsation intermittente de l'éclairage électrique, qui lui confère une dimension temporelle spasmodique. A travers leur luminosité intérieure, ces maisons croisent également la problématique moderniste de la mise en exposition publique d'un intérieur privé. L'éclairage qui advient brusquement peut évoquer la « stupeur » benjaminienne, le choc qui nous arrache à l'habitude et nous fait apparaître les choses comme pour la première fois, ainsi l'arrachement au monde de l'enfance pour celui de l'adulte. Les maisons sont sans intériorité, elles ne sont que le nœud de propagation des circuits électriques, foyer médiatique de la maison moderne qui n'est plus qu'une enveloppe sans contenu. Les guirlandes électriques confèrent cependant un air de fête à l'ensemble, comme pour célébrer l'avènement d'une maison, non plus close sur son statut de refuge, mais devenue lieu de transfert, rhizome ouvert. Désormais inhabitées, ces maisons sont devenues des villes, la circulation l’ayant emporté sur l'inscription.

partager sur ou