Ala Younis

Drapeaux de la deuxième édition de la Biennale d'Architecture d'Orléans, 2019

Bagdad et ses femmes architectes : détails de Plan (fem.) for Greater Baghdad [Plan (nf) pour le Grand Bagdad]

Le projet d’un gymnase à Bagdad, conçu par Le Corbusier, s’est métamorphosé au fil de nombreuses variations de plans sur une période de vingt-cinq ans, avant d’être finalement inauguré en 1980 sous le nom de Saddam Hussein. La chronologie du monument est constituée de récits épars et signale les images manquantes qu’il faut reconstituer à partir de fragments d’autres images et d’enregistrements de gestes recueillis dans les représentations et les récits d’artistes du pays, comme ceux qui figurent dans la narration et les sculptures du Liberty Monument (1961). Plan (fem.) for Greater Baghdad (2018) interroge la nature lacunaire de ces récits récupérés. Ce qui reste en attente d’identification dans les espaces de dispersion ou entre les fragments. Il retrace le contenu ou les caractéristiques d’une histoire de l’architecture à partir des vestiges ou de l’influence des oeuvres ou encore de la place des femmes dans les pratiques architecturales.

Le projet s’approprie une posture empruntée aux sculptures du Liberty Monument : une femme berçant un enfant. Ici, elle berce la maquette du gymnase, une référence à une architecte employée au ministère du Logement et des Travaux publics qui, vers 1973, a réorienté l’attention de sa direction vers les dessins achevés mais abandonnés de Le Corbusier et de son gymnase. Un an plus tard, l’architecte Nada Zebouni achevait sa dernière année d’études en architecture lorsqu’elle commença un stage à la fois au bureau d’études irakien de Chadirji à Bagdad et au bureau des entrepreneurs de Le Corbusier à Paris, où elle travailla sur les dessins et la fabrication d’une maquette du gymnase. Avec sa collègue, elles ramenèrent une photographie de la maquette, la première réalisation 3D de ce projet aux nombreuses transformations. Le Iraq Times la publia pour illustrer un article sur le développement du projet. Vers 1992, deux livres sur la Déconstruction paraissent à Bagdad, l’architecte Maha Al Bustani les achète, déboursant une somme qui représentait à l’époque deux fois son salaire d’universitaire. Elle commenca alors à étudier les illustrations des plans architecturaux conçus par Zaha Hadid pour pouvoir les enseigner plus tard avec son mari aux étudiants en architecture, à travers des exemples tirés de la poésie.

Ce projet est une expérience d’historicité, afin de comprendre la place dans l’histoire des figures « héroïques » des femmes architectes à partir de leur absence.

Ala Younis

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