Ahmed Mater

Magnetism, 2012-2019

Dans Magnetism, des limailles de fer virevoltent et tournoient autour d’un cube noir, une émanation de l’attraction qui évoque une congrégation de pèlerins affluant autour de la Kaaba, le centre du monde islamique. Le cube voilé d’une étoffe noire au centre de la Mecque oriente les cinq prières réalisées chaque jour par les musulmans. Il est aussi le point central du hajj, le pèlerinage à la ville sainte, que tout individu musulman doit entreprendre au moins une fois dans sa vie.

L’attrait imperceptible et immuable du site le plus sacré de l’Islam se manifeste dans cette corolle, un moment d’équilibre absolu. Cette force insaisissable est dictée par la foi, elle témoigne du pouvoir d’attraction profondément spirituel ressenti par des millions de personnes qui prient dans sa direction, ainsi que celles qui réalisent la circumambulation du Tawaf (signifiant « encercler », un des rituels du pèlerinage pendant lequel les musulmans marchent autour de la Kaaba sept fois dans le sens inverse des aiguilles d’une montre). Pourtant, d’autres suggestions latentes coexistent, la physique du magnétisme évoque d’autres types puissants de pouvoir. C’est un lieu gouverné par bien plus que les seules forces invisibles de la foi. Plus particulièrement la force absolue et inébranlable de l’attraction magnétique, chaque limaille noire, figée dans une position captivante et immobile, signale l’emprise d’une contrainte imposée. Même pour les personnes qui ne feront jamais l’expérience de ce rituel, les images du hajj nous montrent l’incroyable ferveur qui anime ce moment – sans relâche, la foule s’enroule et se déroule comme une seule masse innombrable, foisonnante et vivante. Le rythme tourbillonnant capturé par ces images donne une idée de l’expérience spirituelle vécue par l’individu dans ce lieu hautement sacré, ce que ne fait pas le diorama monochrome d’Ahmed Mater.

C’est ici une scène saisissante d’un équilibre absolu, habitée par une clarté qui symbolise la fixité de la structure religieuse, qui se distingue de la nuance, de la profondeur de la spiritualité, de la rencontre et de l’expérience personnelle avec la foi. La force invisible de ce lieu saint contraste fortement avec la réalité des Mecquois. La clarté de cette miniature s’inscrit dans les lois quantifiables et inébranlables de la physique ; en réalité, ce lieu hautement symbolique vit au rythme du tumulte imprévisible et insondable d’une ville bien active.

Les allusions aux structures religieuses donnent également lieu à des considérations sur la réalité physique de Masjid al-Haram (Grande Mosquée de la Mecque), la « puissante centrale » religieuse qui a connu des changements sans précédent, après de multiples extensions. Celle en cours de réalisation, la quatrième depuis la fondation de l’État saoudien, devrait être achevée en 2020. Ce moment et ce lieu dans l’histoire de l’Islam démontrent avec puissance la manière dont les manifestations physiques et institutionnelles du pouvoir religieux ont la mainmise sur d’autres expériences de l’existence, y compris la spiritualité et la vie quotidienne.

Ahmed Mater

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