Architecture radicale

Entre 1966 et 1974 se développe en Europe un courant contestataire, qui ouvre l’architecture à des pratiques conceptuelles et artistiques, affranchies de toute finalité constructive.

Si le critique d’art italien Germano Celant est le premier en 1972 à parler d’« architecture radicale » à propos de la scène florentine, le terme sera rapidement extrapolé à d’autres groupes, autrichiens, anglais ou américains. Déclinée à toutes les échelles – du domestique à l’urbain –, l’architecture se donne désormais comme un environnement en perpétuelle reconfiguration, inscrit dans le temps de l’action : une installation, un collage, une performance dans la rue, un article dans une revue, valent comme projets d’architecture (« tout est architecture » déclare Hans Hollein en 1968).

Influencés par le pop art, les anglais d’Archigram s’inspirent des comic strips et puisent dans l’imagerie de la conquête spatiale ou de la science-fiction pour élaborer des projets utopiques qui anticipent la société en réseau.
A Vienne, Haus-Rucker-Co ou Coop Himmelb(l)au élaborent des prototypes fonctionnant comme espaces psycho-sensoriels, interpellant les visiteurs dans une dimension physique et cognitive.
L'environnement quotidien ne doit plus se définir de façon technique et fonctionnelle mais affective, symbolique et poétique. Cette posture expérimentale et subversive est partagée par les groupes italiens comme Archizoom et Superstudio, qui refusent les valeurs consuméristes et choisissent la dérision pour dénoncer un appauvrissement généralisé de la création.

En parvenant ainsi à ébranler les certitudes de la modernité classique, en réformant de fond en comble le mode de penser la ville et l’habitat dans un rapport de confrontation à la société, les groupes radicaux ont renouvelé durablement le champ théorique et imaginaire de l’architecture et peuvent apparaître comme les dernières avant-gardes du XXe siècle.