Inscrit dans le projet de rénovation du centre-ville d’Ivry-sur-Seine mais livré en 1982, l’ensemble du Liégat rend compte de l’évolution de la pensée de l’architecte depuis le dessin des tours et de l’influence des propositions de Renaudie. Situé entre l’avenue Casanova et la rue Péri, il comprend 140 logements sociaux et des locaux d’activités. Il se conçoit différemment de Villejuif, à partir de géométries circulaires. Le principe formel est d’abord prospectif et mis en œuvre en 1974 dans le cadre du concours Programme Architecture Nouvelle (PAN) : dans une perspective de renouvellement de la conception de l’habiter, Gailhoustet propose un programme d’appartements à terrasses imbriqués à une école primaire. Pour se faire, elle s’appuie sur une construction à ossature. L’organisation en gradins invite à différencier chaque appartement. Un prototype de logement à patio est proposé. Remarquée, Gailhoustet bénéficie ainsi des financements du Plan Construction attribués dans le cadre des Réalisations Expérimentales (REX) pour édifier selon ce modèle, à partir de 1975, la première tranche du quartier de La Maladrerie à Aubervilliers. Le Liégat est le dernier né de cette famille. Il s’agit d’abord d’un centre artisanal sur deux niveaux chapeauté par des logements à terrasses. Dans la version réalisée, les locaux d’activités – aujourd’hui principalement utilisés par des artistes et architectes – occupent le rez-de-chaussée. Des « promenées » publiques y sont aménagées. Mais l’originalité du Liégat réside principalement dans la qualité de ses espaces domestiques mêlant échelles individuelle et collective : les duplex ou semi-duplex s’extériorisent par leurs terrasses végétalisées ; plusieurs logements s’organisent autour d’amples patios plantés. Le Liégat n’a plus rien à voir avec l’immeuble : ses jardins suspendus construisent l’image d’une colline habitée.
Bénédicte Chaljub