Édito

mars - août 2020

Le 10 septembre 1993, j'arrivais en France avec un visa de quatre jours et l'espoir d'oublier une guerre et de retrouver un nouvel imaginaire.

Le 12 mars 2020 j'inaugure une exposition dont le titre s'impose comme une quête de cet imaginaire depuis maintenant 25 années.

Il aura fallu le temps d'une génération de luttes pour oser prononcer ces mots : ailleurs...ou plus loin. Se rendre à l'évidence que le droit fondamental reste celui de ne pas savoir tout en affirmant que les destinations rêvées sont les plus vraies, les seules vérités.

Ce sont bien les artistes qui nous réconfortent dans cette errance, ce sont les artistes qui osent s'aventurer à notre place en ces lieux d'indécision nécessaires à la vie, profondément ancrée dans notre désir d'être en permanence surpris par le monde qui vient.

Il aura fallu le temps d'une génération pour se rendre à l'évidence de mon aveuglement. J'ai cru à chaque instant que la lutte d'un étranger est d'être de l'endroit qui l'accueille, plusieurs années à effacer toute forme d'accent, à lire religieusement chaque poème, chaque roman, chaque histoire, à me réfugier à l'intérieur des écrits. Mais il me fallait bien cette folie des livres, des œuvres pour me retrouver... plus loin face à la seule question : en quoi suis-je l'étranger et de qui dois-je être l'égal ?

Notre humanité est migrante de la seule autre : une femme.
Et s'il me fallait croire à nouveau, et je me dois de le croire, il ne reste que la question première : être l'égal d'une femme, lutter pour qu'elle soit l'égalité même.

Cette question de l'égalité entre les femmes et les hommes est première. Elle est première à la crise écologique, première à la crise sociale, première à l'art et à l'architecture ; elle est première à la question fondamentale de l'être.

ailleurs... ou plus loin est le premier acte pour voyager vers les territoires d'une « Démocratie féministe » que j'appelle de mes vœux.

C'est ainsi que le Frac Centre-Val de Loire est devenu l'espace public nécessaire à l'expression de ce monde nouveau. Nous n'avons que trop tardé à rendre l'institution culturelle au réel et d'en faire à chaque instant l'écho des cris du monde.

Abdelkader Damani