Jochen Gerz

Artiste (1940)

Artiste photographe autodidacte – il a suivi des études de littérature, de sinologie et de préhistoire - Jochen Gerz (né en 1940 à Berlin) s'est engagé dans la voie d'une critique impitoyable des mass-médias et de l'industrie de la culture dont il démonte le langage. Partant du constat que l'information est vidée de son sens, il montre l'inaptitude des modes de diffusion visuels à transmettre le réel et les émotions. Dès ses premières participations à des expositions en 1967, date qui correspond également à son installation à Paris, l'artiste allemand manifeste cette impossibilité de la communication et du langage en produisant des textes, des actions (Ce que l'on peut décrire peut arriver aussi (Wittgentein), 1973), des installations (Leben, 1974), ou encore des travaux photographiques et des éditions. L'écriture et l'image, tout d'abord superposées dans les années 1970, cherchent à nier cette pseudo-objectivité des événements que revendiquent la télévision et la presse. Dans son travail, le texte est très souvent une fiction et invite le spectateur à s'approcher d'une réalité poétisée. Le thème du souvenir, de la mémoire, de l'inaccessible se matérialisent en des images redoublées, inversées et floues. Sur le mode du reportage, en donnant à voir des clichés un peu confus et à lire un message sans objet véritable, Jochen Gerz évacue l'idée d'un témoignage authentique pour lui préférer l'invention d'une histoire, celle d'Agnès par exemple. Agnès ou le temps français, série de 23 images résultant d'une commande passée par le FRAC Centre sur le paysage de la région, nous montre une propriété des bords de Loire sous une forme fractionnée. Malgré le nombre de vues, l'ensemble nous laisse dans l'ignorance du lieu : flous, décalages, vues tronquées sont volontairement soutenus par un langage en marge d'une véritable fiction. Le photographe nous entraîne sur la piste du temps qui passe, sur des souvenirs que l'on n'a pas véritablement connus. Ce questionnement sur la mémoire habite également les œuvres que Gerz installe dans l'espace public de nombreuses villes européennes dans les années 1990, des « anti-monuments » tels qu'il les nomme et qui subvertissent l'idée de commémoration. Lauréat de nombreux prix, il est également membre de l'Académie des arts de Berlin et occupe une chaire honoraire à la Braunschweig Art Academy.

Nadine Labedade

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